Matty Chiva

Prix Benjamin Delessert 1997

De l'honnête volupté : la place du plaisir dans le déterminisme des conduites alimentaires

Le projet :

Auteur : Matty Chiva

Centre de Recherche : Université de Paris X - Nanterre

Thèmes : Comportement alimentaire

Descriptif

« Je sais bien que plusieurs personnes malveillantes vont m'attaquer et dire que je veux enseigner à vivre en délices et voluptés (...) En vérité, Dieu me garde de parler de cette volupté que des gens déréglés, dissolus et libidineux tirent du luxe et de la variété des mets, et des titillations de la chair. Ce dont je parle, c'est de la volupté à quoi tend la nature humaine, qui est tempérance et mesure. Que les malveillants, donc, (...) se taisent et ne me reprennent plus. (...) J'ai fait ce petit livre pour l'honnête homme soucieux de sa santé et d'hygiène alimentaire, plutôt que de luxe; et pour montrer aux générations futures les inventions faites de notre temps, lesquelles, si elles ne peuvent nous égaler aux Anciens, témoignent au moins qu'on s'est efforcé de les imiter et de leur ressembler »

Battista Platina - De molesta voluptate (1) 

On peut affirmer, en paraphrasant Le Magnen (1992), que l'homme, comme l'animal, n'a pas attendu les spécialistes, quels qu'ils soient, pour manger et apprendre à manger, ni pour éprouver du plaisir en mangeant. Manger est une conduite fondamentale, indispensable à la vie et à la survie de l'individu et de l'espèce. Toutefois, dans l'espèce humaine tout particulièrement, bien qu'obéissant à des mécanismes et déterminants biophysiologiques précis et spécifiques (ainsi par exemple la condition d'omnivore), manger s'apprend. Il ne suffit pas qu'un aliment soit biologiquement mangeable pour qu'il soit culturellement et individuellement comestible. De ce fait, un des premiers apprentissages dans ce domaine est celui du répertoire de « ce qui est aliment pour moi (pour nous) ». En d'autres termes, dès le début de la vie le nourrisson, plus tard l'enfant tout comme l'adulte, apprend et actualise ce répertoire. Ce faisant il construit le monde et se construit lui même. Cette construction n'est pas seulement un acte mécanique, mais aussi une création d'identité, de soi et de l'aliment, une inscription dans un contexte culturel et symbolique tout comme une manière de communiquer avec autrui et de partager des valeurs et des vertus avec son prochain. 

En effet, manger n'est pas seulement affaire de nutrition ou de biophysiologie mais aussi de symboles et de morale (Aimez, 1989; Fischler, 1996).Si apprendre à manger est un processus tributaire de nombreux facteurs, le plaisir occupe parmi eux une place particulière à cause à la fois de sa réalité physiologique tout comme des aspects moraux et sociaux qui lui sont attachés. 

Je vais donc aborder, dans la suite de cet article, la place du plaisir dans le déterminisme des conduites alimentaires sur trois plans différents : 
- la place de l'hédonisme d'un point de vue philosophique et, partant de là, moral, voire utilitariste ; 
- la place de l'hédonisme dans une perspective psychophysiologique 
- la place de l'hédonisme dans une perspective psychologique. Compte tenu de mes compétences, il est évident que je vais développer plus la dernière partie; il me semblait néanmoins indispensable de mentionner, ne serait-ce que de façon succincte, les deux premiers points de vue, faute de quoi le tableau aurait été incomplet. 

 

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Prix Projets de Recherche

Ces prix récompensent chaque année, depuis 2002, 4 à 6 projets de recherche originaux dans le domaine de la nutrition ou du comportement alimentaire.

Prix Benjamin Delessert

Crée en 1988, ce prix récompense un chercheur de renom pour l'ensemble de ses travaux.

Prix Jean Trémolieres

Ce prix, qui traditionnellement récompensait un ouvrage récent autour du comportement alimentaire, fusionne avec les Prix de Projets de Recherche.