Introduction
La couverture des besoins énergétiques de l’homme est principalement assurée par deux classes de nutriments, les glucides et les lipides, même si les protéines jouent également un rôle quoique plus complexe. De manière un peu paradoxale, le stockage prédominant est représenté par les lipides dans le tissu adipeux, tandis que les glucides représentent une fraction importante du métabolisme énergétique alors que l’homme ne peut pas synthétiser de glucose à partir des acides gras. En fait les propriétés respectives de ces deux classes de nutriments, du point de vue énergétique, sont tout à fait complémentaires et en fonction des situations métaboliques, physiologiques ou pathologiques, chacun de ces deux substrats peut présenter des avantages ou des inconvénients en termes de rendement ou de vitesse de production. L’étude comparée de ces deux voies métaboliques et de leurs caractéristiques est particulièrement instructive, à une époque où les excès de disponibilité conduisent au diabète pour les glucides, ou à l’obésité pour les lipides avec une prévalence particulièrement importante.
Les maladies dites « de surcharge » ont pris progressivement une place prédominante dans les préoccupations de santé publique des pays occidentaux puisque les altérations pathologiques qui sont associées à ces situations de pléthore représentent une proportion considérable de la morbidité et de la mortalité de leurs populations. D’un autre côté, le désordre nutritionnel le plus fréquemment rencontré sur notre planète est sans conteste la dénutrition par carence d’apport alimentaire, quelle qu’en soit la cause. Certes la dénutrition est un fléau qui touche simultanément pays occidentaux et émergents et la lutte contre celle-ci est une préoccupation majeure dans les deux cas, mais il faut bien reconnaître que les causes en sont bien différentes : la maladie dans un cas et la pauvreté dans l’autre. L’évolution actuelle renforce encore davantage ce contraste entre pléthore et carence lorsque l’on constate la coexistence de dénutrition par carence et d’obésité par pléthore dans les pays émergeants, non seulement dans différentes contrées géographiques mais aussi dans une même ville, témoignant du poids des aspects économiques, sociaux et politiques dans ces désordres métaboliques.
L’autre facette de ce contraste entre surcharge et pénurie correspond aux aspects de régulation métabolique, tels qu’ils ont été mis en place progressivement au cours de l’évolution et qui permettent d’ajuster en permanence, et au plus près, besoins et disponibilités. Si le manque de nutriments peut être cruel car particulièrement délétère, le stockage de ceux-ci, réponse théoriquement adaptée à la prévention de pénurie, n’est pas non plus complètement anodin car en dehors du coût qu’il représente, il peut s’avérer réellement néfaste. En cherchant à serpenter au mieux entre pléthore et déficience, l’évolution a sélectionné des voies métaboliques multiples, concurrentes, complémentaires et intriquées, au service d’une finalité commune, la Vie, tout en respectant des contraintes strictes de gestion des risques, liées à la prévention du manque comme au coût des réserves et de leur gestion. Ces éléments se situent naturellement dans une vision de compétition entre espèces et individus imposant une optimisation permanente. Au sein de la trilogie métabolique fondamentale en macronutriments sur laquelle repose la Vie : protéines, sucres et lipides, les deux derniers substrats semblent tellement complémentaires au plan de leur capacité à couvrir les besoins énergétiques dans leur voie finale commune (cycle de Krebs et oxydation phosphorylante) que l’on pourrait les penser redondants. Et pourtant l’évolution a soigneusement entretenu leurs similitudes et leur concurrence ! Cet aspect est un intéressant sujet de réflexion à une époque où les deux plus grands désordres métaboliques morbides, le diabète et l’obésité, résident dans des anomalies liées à leur excès de disponibilité survenant après des millénaires de tentative de prémunition contre leur insuffisance éventuelle !